Le texte suivant a été préparé le 9 septembre 2009 pour que sa traduction française soit distribuée aux participants de la fête de l’Humanité à Paris afin de contribuer au débat, compte tenu de la sensibilité de l’opinion publique face aux événements en Iran.
Il s’est passé beaucoup de choses entre-temps, mais sa lecture peut encore présenter un intérêt.
E. Omid
(Bijan Hirmanpour)
Lorsque, lors de la répression post-électorale en Iran, la vidéo de la mort de Néda a été diffusée sur Internet, l’opinion publique du monde entier s’est tournée vers l’Iran avec étonnement et incrédulité. Bien sûr, les nouvelles des élections iraniennes avaient auparavant fait la une des journaux, mais l’opinion publique ignore habituellement les élections dans ces pays : personne ne s’y attend guère à un événement inattendu. Le régime au pouvoir désigne une ou plusieurs personnes comme candidats à la présidence, puis le candidat qui doit devenir président – le plus souvent le président sortant ou l’un de ses affiliés – est déclaré vainqueur de l’élection avec un score élevé. Dans certains pays d’Afrique, d’Amérique latine, ainsi qu’en Inde, en Thaïlande, etc. les jeux de pouvoir et les rivalités locales donnent parfois lieu à des conflits, mais ceux-ci également se sont banalisés. En Iran, où selon la loi, un conseil composé principalement de personnes désignées par le Guide évalue les candidats en termes de loyauté envers le régime et d’engagement théorique et pratique envers le gouvernement du docte (velayat-e faqih), pratiquement aucune surprise se subsiste pour l’opinion. La liste des candidats passés au crible du Conseil des gardiens de la Constitution – un ancien premier ministre, un ancien président du parlement, un ancien chef des Gardiens de la révolution et l’actuel président – ne pouvait laisser à ce sujet aucune place au doute.
- Face à l’image insoutenable de la mort de Néda, une question surgissait
- « Que se passe-t-il en Iran ? ».
Que se passait-il donc au juste en Iran ? On nous expliquait en somme qu’après l’annonce des résultats de l’élection présidentielle, l’actuel président fut déclaré vainqueur puis que les trois autres candidats, dénonçant une fraude, demandèrent un nouveau décompte des voies. Leurs partisans descendirent dans la rue, et les Gardiens de la révolution et les basijis s’employèrent à la répression usant de bâtons, de gourdins et de gaz lacrymogène, tirant parfois directement sur la foule. Avec ces nouvelles, la question naturelle et immédiate de tous ceux qui ont vu ce film était « quel candidat Néda soutenait-elle ? » Et en réponse, ils ont entendu « Aucun. Elle n’avait même pas participé aux élections. »
« — Alors elle passait par là et a été accidentellement abattue ? »
« — Mais non, ce n’était pas une simple passante et elle n’a pas été tuée par accident. » Elle est venue dans la rue pour être justement dans la rue, et c’est exactement pourquoi elle a été prise pour cible.
Même les portes et les fenêtres des maisons de ceux qui ne sont pas descendus dans la rue ont été brisées pour les effrayer et pour que l’idée même de descendre dans la rue ne traverse pas leur esprit. Les assassins de Néda ne cherchaient absolument pas à dissimuler les faits et les arguments à décharge qu’ils avançaient visaient plutôt, ajoutant au crime, à souligner leur impudence. Comme quelques jours plus tard, lorsque le corps à moitié brûlé de Taraneh a été retrouvé dans un endroit éloigné et qu’on a fait venir à la télévision un misérable officier d’état-civil pour qu’il annonce que ses registres ne faisant pas état de l’existence de cette fille, il fallait donc admettre que son viol et son meurtre étaient une rumeur répandue par les ennemis du régime et leurs partisans étrangers. Il n’était donc plus nécessaire de dire qui était cette fille transportée dans le coma à l’hôpital avec l’anus et le vagin déchirés et dont le corps a ensuite été transféré.
Fondamentalement, si on peut les accuser de tout, les accuser de chercher à dissimuler leurs crimes serait vraiment une injustice à leur endroit. Ils ont même annoncé la victoire de leur président désormais « élu » de telle manière qu’aucun esprit sensé ne puisse douter du caractère frauduleux des élections. Mais leur point est le suivant : à supposer même qu’il y ait eu fraude, n’êtes vous pas les disciples du Guide et celui-ci déclarant qu’il n’y a pas eu fraude, quel sens y a-t-il à ce que vous souteniez le contraire ?
Revenons à la rue ! Néda elle-même n’a pas eu l’occasion de s’exprimer. Nous nous sommes abstenus d’interroger ses proches afin que sa famille en deuil ne soit pas davantage harcelée. Mais voyant l’enthousiasme avec lequel, dans les jours précédant les élections, des dizaines et des centaines de milliers de personnes ont passé le plus clair de leurs journées et de leurs nuits dans la rue (alors que le régime pour « réchauffer le chaudron des élections » interdisait encore aux Gardiens de la révolution et à leurs basijis d’attaquer la population), on peut très bien imaginer comment en peu de temps la rue a pu prendre une place singulière dans le cœur de Néda qui a pu penser, comme d’autres, que sans l’agression des forces de l’ordre – et quand bien même celles-ci restaient présentes – tout redevenait possible :
Il était possible de laisser glisser ce fichu foulard sur les épaules et se jeter dans le tourbillon de la foule.
Il était possible d’espérer en l’avenir… Il était même possible d’écrire des nouvelles de la rue dans le journal de la rue et de les lire sur place.
C’était dans cette rue que les débats télévisés avaient trouvé un écho immense et que les habitants s’étaient figurés que ceux d’en haut se déchiraient sérieusement. Certains disent « les plus intelligents », d’autres disent « les plus crédules » ont alors pensé qu’avec leur vote, ils pouvaient prendre part à cette guerre et en influencer l’issue.
Après tout, dans le dessus du panier, on se livrait une vraie guerre. Sans cesse fusaient de graves accusations dont on cherchait moins à se défendre qu’à prouver qu’elle s’appliquaient davantage à son adversaire.
C’est à partir de là que le chuchotement « entre le mauvais et le pire, il faut choisir le mauvais » a émergé comme un véritable slogan, et que le « pire » a fini naturellement par désigner le président sortant. Personne n’a voulu songer que le «mauvais» deviendrait « pire » une fois parvenu au pouvoir. Personne ne se souvenait – ou ne voulait se rappeler – que ce « mauvais » avait même un jour été au pouvoir... et quels n’avaient pas été ses méfaits !
Mais que se passait-il en haut pour que le choix insignifiant entre quelques membres du régime triés sur le volet par le Conseil des gardiens puisse, selon leurs propres mots, créer ce « désordre » ? Un bref aperçu de l’origine et du fonctionnement de la République islamique permet de répondre aisément à cette question.
Contrairement à la falsification des historiens de la République islamique, ce n’est pas Khomeiny qui conduisit le peuple à se révolter contre le régime du Shah en 1978 et 1979, mais le mouvement révolutionnaire du peuple qui a conduit Khomeiny, comme beaucoup d’autres, à penser à utiliser le mouvement pour atteindre ses propres fins, petites et grandes. N’ayant aucun vent de ses combines en coulisse avec les forces nationales et étrangères, faisant face à un homme qui assurait ne viser qu’à libérer les Iraniens du joug de la dictature du Shah, obtenir l’indépendance du pays contre l’exploitation impérialiste et instaurer les libertés démocratiques, en particulier la liberté d’expression, sans revendiquer, une fois ces exigences satisfaites, de pouvoir ni pour lui-même ni pour le clergé, le mouvement révolutionnaire iranien ne pouvait que se réjouir du soutien d’un clerc aussi libre et ouvert d’esprit. En ce qui concerne les femmes, ne s’est-il pas même plaint du harcèlement subi par les filles guérilleros dans les prisons du Shah et sympathisé avec elles ?
Cependant, son entrée en Iran, le visage de ceux qui l’accueillaient à l’aéroport, celui de ses compagnons de voyage, les chants « Ô, Imam » et son cri au cimetière behesht-e-Zahra « Moi, je décide du gouvernement ! » portaient un message clair à qui ne voulait se leurrer. Très tôt, bien avant que le mouvement populaire ne puisse digérer cette nouvelle situation, tous les appareils militaires, policiers, sécuritaires et de propagande du régime royal ont été remis à ce clerc et à son entourage, afin qu’il établisse la République islamique – « ni un mot de plus, ni un mot de moins » – et pour introduire dans sa loi constitutionnelle, cette fois à l’initiative de l’ayatollah Montazeri, le principe du velayat-e faqih, qui autorisait le Guide suprême à exercer tous les pouvoirs que le Shah exerçait jadis malgré la Constitution. Montazeri a sans doute vu également un intérêt personnel dans une telle proposition, sachant qu’il était le prince héritier de ce guide suprême. La population a été ensuite surprise d’apprendre que le modeste religieux qui déclarait à Paris que les clercs ne cherchaient pas le pouvoir, enseignait auparavant à Nadjaf le principe du velayat-e Faqih.1
Oui, la République islamique a pris forme sur la base de ce grand mensonge et elle n’est toujours parvenue ni à se priver de devoir le perpétuer ni à s’en faire absoudre par le peuple iranien.
La vérité est qu’au terme de 25 années de lutte ouverte et secrète, pacifique et violente le peuple iranien était parvenu dans un mouvement massif à envoyer dans les poubelles de l’histoire un régime que les étrangers lui avaient imposé par un coup d’État et que le nouveau régime qui lui succédait ne se voyait pas l’audace de dire ouvertement qu’il était venu pour perpétuer le même système et réparer les dégâts que le mouvement révolutionnaire lui avait causé. Ce régime contre-révolutionnaire s’est vite trouvé dans une position difficile, sans précédent dans l’histoire : il était contraint de supprimer la révolution, au nom de la révolution. Tout en blâmant de manière ostentatoire les États-Unis et la Grande-Bretagne pour le coup d’État de 1953, il a neutralisé, au cours des deux premières années de son existence, presque tous les individus et organisations qui avaient combattu le coup d’État pendant ces 25 années procédant, dans de nombreux cas, à leur élimination physique. Ce faisant, il a bénéficié du silence éloquent des puissances mondiales. La République islamique a intimidé sans frein ses opposants en Occident et les a au besoin assassinés, sans être inquiétée.
Si le Shah, qui se considérait ouvertement comme un ami de l’Occident et des pays capitalistes, était finalement contraint pour accomplir son office de porter l’oppression au point d’exiger de tous les Iraniens qu’ils s’unissent en un parti unique, qu’ils se soumettent à l’unique idéologie de ce parti dont le principe était le culte des rois iraniens d’hier et d’aujourd’hui, le nouveau régime qui voulait répondre aux mêmes impératifs en scandant des slogans anticapitalistes et anti-impérialistes avait besoin, et tentait d’instaurer, une répression plus sévère. Khomeiny dit très tôt: « Brisez les plumes. » Une image et une interprétation très sombre de l’islam furent promues comme idéologie dominante, et une liste d’obligations et d’interdictions fut préparée sur la base de cette idéologie, dont la mise en œuvre fut garantie par le Code pénal islamique. Si, au temps du Shah, une personne n’acceptant pas le paquet idéologique et le parti uniques pouvait prendre son passeport et quitter le pays, l’opposition dans ce régime-ci conduisait à l’interdiction de sortie du territoire, à l’emprisonnement, à la flagellation et, si nécessaire, à l’exécution.
Dans de telles circonstances, la République islamique se trouvait dans une situation difficile. Pour maintenir l’ordre, elle devait constamment contrôler presque tout le monde, et pour en justifier, elle devait sans cesse ajouter à la liste d’obligations et d’interdictions de son paquet idéologique et, ce faisant, multiplier les lois. Mais un tel procédé portait ses propres contradictions. Ces règles sont lourdes à long terme et toute violation est un signe de remise en cause, selon leurs propres mots, du «système».
Le hijab en est une bonne illustration. Lorsque le gouvernement islamique a répandu pour la première fois la rumeur du hijab, certains ont attaqué les manifestants anti-hijab avec le slogan « roo-sari ya too-sari » (« Soit le foulard, soit la raclée »). Il est apparu plus tard que ce slogan était libéral et qu’il n’y avait au demeurant aucune alternative au foulard, pas même la raclée. Au fil du temps, ce voile est devenu le fluide vital de la République islamique. Ainsi, les femmes iraniennes n’avaient d’autre choix afin de réaliser leur droit le plus fondamental, qui est de choisir librement leurs vêtements, que d’attendre le renversement de ce régime ou d’essayer de le hâter : d’où le face-à-face constant entre les femmes iraniennes et l’appareil répressif du régime.
Lorsqu’il en est ainsi et que pour garder le contrôle, en sus de tous les dispositifs de répression et de censure, il est encore nécessaire qu’à chaque pas, un basiji ou un Gardien de la révolution ou un militaire contrôle la population – ce dont Khomeiny a réalisé très tôt la nécessité lorsqu’il a parlé, ce qui était un peu exagéré pour un pays de 35 millions d’habitants, de la nécessité de former une force de 20 millions de basijis tout en érigeant en devoir religieux le fait de dénoncer ses voisins, promouvant au titre de « soldats de l’Imam du Temps » ceux qu’il dénonçait comme mouchards ou savaki sous le règne du Shah – il est bien naturel qu’une telle force de sécurité, qui sait bien que si elle faisait preuve d’un tant soi peu de négligence, comme cela a été le cas quelques jours avant les élections, le désordre gagnerait tout le pays, puisse exiger progressivement sa part du pouvoir politique et économique et, le moment venu, demander tout le pouvoir et menacer ses maîtres d’hier. C’est ce qui s’est produit dans le face-à-face télévisé entre Ahmadinejad et Moussavi lorsque le président sortant a dit à son interlocuteur qu’il le considérait comme quantité négligeable et réglerait ses comptes directement avec Rafsandjani. Et même Khamenei, pour qui Rafsandjani avait autrefois manipulé la loi constitutionnelle pour raccourcir l’habit du vali-e Faqih et le mettre à sa taille, a adressé un message à Rafsandjani lors des prières du vendredi juste après les élections, se disant « plus proche » de son président.
Mais qu’en est-il maintenant? Le résultat final de cette querelle n’est pas encore clair. Les deux parties plastronnent tout en réunissant leurs forces. Les gens ont trouvé l’occasion de respirer un peu librement, bien qu’à un coût élevé, selon leur situation de classe. Cependant, on peut dire que la République islamique ne peut plus ramener la situation à ce qu’elle était avant ces événements, tout comme pendant toutes ces trente années, malgré toutes les répressions, elle n’a pas pu ramener la société au silence lourd qui pesait après le coup d’État du 28 août 1953.
L’aile militaro-sécuritaire du régime a actuellement le dessus et semble se ranger pour le moment derrière Ahmadinejad, mais il n’est pas certain qu’elle lui restera fidèle à long terme. Il ne semble pas que les leviers du pouvoir soient entre ses mains ni entre ceux de Khamenei. De ce fait, en ce qui concerne l’intérieur du pays, l’apparition d’une tension au sein de cette aile semblerait possible à l’avenir. Mais sur le plan extérieur, sa rhétorique franche contre Israël, les institutions internationales et les gouvernements occidentaux ainsi que son soutien verbal aux Palestiniens ont créé une fausse crédibilité auprès de l’opinion publique musulmane. En particulier, chaque mot qu’elle prononce à cet égard est diffusé en détail dans le monde entier par les agences de propagande israéliennes et américaines. Cependant, cette crédibilité a été entamée lors de la récente attaque israélienne, malgré les efforts des dirigeants du Hamas et du Hezbollah libanais pour souligner le rôle de soutien de l’Iran. Et qu’après trente ans de soutien iranien aux Palestiniens, ceux-ci sont maintenant dans une position beaucoup plus faible qu’auparavant. À l’époque, l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) était basée dans le sud du Liban, encourageant les Palestiniens des territoires occupés à combattre les forces d’occupation israéliennes. Mais aujourd’hui, l’Organisation de libération a été pratiquement détruite et le Hezbollah a été déployé pour la remplacer. Lors de la récente attaque contre Gaza, celui-ci n’a pas bougé le doigt pour soutenir les Palestiniens, et le peuple palestinien subit actuellement outre la répression d’Israël, celle de deux « gouvernements autonomes » hostiles et répressifs.
La rhétorique anti-impérialiste d’Ahmadinejad a également été un met de choix alimentant l’analyse de certains individus et groupes apparemment d’extrême gauche au sein des pays occidentaux qui, n’ayant pas le courage, la volonté ni la capacité de s’engager dans une action révolutionnaire dans leur propre pays, se rattachent à des démagogues tels que Chavez et Ahmadinejad et à des organisations telles que le Hamas et le Hezbollah au Liban. Dans leur analyse, ils vont parfois jusqu’à dire que parce que les manifestations se déroulent principalement dans le nord de Téhéran, la classe ouvrière du sud de Téhéran est derrière Ahmadinejad.
La position des États-Unis, qui ont déclaré qu’en l’état actuel des choses ils sont disposés à négocier avec n’importe qui au pouvoir (et c’est là l’une des raisons de l’escalade sans précédent du conflit entre les deux factions du régime en ce moment) renforce la position d’Ahmadinejad qui en pratique détient le pouvoir.
Face au gouvernement Khamenei-Ahmadinejad, le trio Rafsandjani-Moussavi-Karroubi ne forme pas un groupe soudé. Rafsandjani n’est pas disposé à mélanger son compte avec d’autres, mais il est disposé à se montrer proche de Moussavi et de Karroubi dans la mesure de ses intérêts. Quoi qu’il en soit, la présence de Rafsandjani aux côtés de Khamenei-Ahmadinejad ôterait du crédit à cette alternative plutôt que de lui donner du poids. Le trio ne peut compter, à l’intérieur du pays et à court terme, sur la scission des forces du régime à son profit. Cela est dû au fait que le pouvoir est dans l’impasse dans son exercice et si aujourd’hui au sein du régime ou au parlement certaines voix se lèvent, c’est uniquement en prévision des mauvais jours et sans effet pratique pour le moment.
Karroubi, comme Massoud Radjavi, semble ces jours-ci avoir placé ses espoirs en Montazeri et pense peut-être qu’à travers lui il peut unir une partie du clergé. S’il nourrit un tel dessein vis-à-vis d’un clergé qui siège depuis 30 ans à la table du pouvoir la main directement plongée dans les caisses de l’État, il se fait de grandes illusions. Ceux-là ne quitteront pas le navire tant qu’ils n’auront pas vu de leur propres yeux le gouvernement couler. De plus, la valeur politique du clergé dépendait de sa capacité de mobilisation de la « foule des fidèles » contre le pouvoir en place et les clercs qui auparavant se mêlaient constamment aux croyants pour assurer leur propre subsistance ne les ont plus croisés pendant ces trente années d’inutilité (sauf bien sûr ceux qui se sont succédé chez eux dans les années 80, les suppliant d’user de leur influence dans les tribunaux révolutionnaires pour empêcher l’exécution de leurs enfants). Quand bien même ces croyant n’auraient pas perdu leur foi, ils ont perdu leur foi en ces personnes.
Le compte de Moussavi et de son « Mouvement vert » ou, comme il le dit dans une récente déclaration, de sa « Voie verte » doit être séparé de celui des Verts à l’étranger. Il a lui-même récemment délibérément cherché à clarifier cela, en particulier en affirmant son projet de « République islamique ni un mot de moins ni un mot de plus » il a fermé la voie aux interprétations extensives que la Majorité,2 les Républicains3 et autres donnaient de son Mouvement vert, allant jusqu’à prétendre que le vert était là pour signifier la « verdure »4 et exposé clairement que le vert en question était le fameux vert seyedi5 et rien d’autre. Ce faisant, il a rendu officielle sa position de candidat à l’élection et a appelé ses électeurs à ne pas l’oublier et à venir le voir en cas de besoin.
Mais le mouvement vert à l’étranger est d’une nature différente. Le mouvement, sous ce nom ou sous un autre nom, semble promis à un avenir et peu importe ce qui se passe à l’intérieur, il est susceptible d’avoir un développement viral. Les événements récents ont contraint de nombreux prébendiers du régime à quitter le pays. La plupart d’entre eux ont anticipé ces jours pendant leur mandat et, à la suite de leurs pillages, ils ont envoyé à l’étranger leur « Bayt al-mâl »6, comme ils le nomment, parfois même en compagnie de leurs familles. Il est maintenant fort probable qu’ils rejoignent les transfuges précédents du régime, les Makhmalbaf, Sazegar, Ganji, Mohajerani, Soroush, Kadivar, Afshari, etc., et utilisent leur richesse et leurs relations pour ouvrir la voie à une alternative qui un jour peut-être pourrait être envoyée par avion à Téhéran après une nouvelle Conférence de Guadeloupe.
Ici trouve son vrai sens la tâche des forces progressistes iraniennes à l’étranger, ainsi que de toutes les forces progressistes et internationalistes qui ont loué à juste titre la bravoure dont ont fait montre les Iraniens chez eux ces derniers mois.
Les Iraniens progressistes à l’étranger, en particulier, ont la grande responsabilité de mettre au jour toute conspiration réactionnaire et impérialiste en mobilisant toutes les forces progressistes au niveau international pour soutenir le mouvement du peuple iranien.
Les yeux de Néda dans les derniers instants de sa vie ont beaucoup à nous dire : son regard s’inquiète de notre comportement.
Les écrits de Khomeiny étaient interdits sous le Shah et de ce fait très peu diffusés en Iran. ↩︎
N.d.T. Organisation des fedayin du peuple iranien (Majorité). Branche des fedayin, à tendance pro-soviétique qui après la révolution a abandonné la lutte armée pour chercher un compromis avec le régime islamique. ↩︎
N.d.T. Coalition hétéroclite formée à l’étranger ayant pour but de favoriser une transition pacifique vers un régime républicain laïque et démocratique. ↩︎
Extrait des propos de M. Alireza Meybodi du 22 octobre 2009 diffusés par la radio Voice of Iran à Los Angeles. Même certains royalistes ont dépassé leur timidité pour défiler, toute honte bue, avec une photo de Reza Pahlavi à la main et un drapeau tricolore portant l’emblème du lion, du soleil et de l’épée et lors de leur dernier rassemblement, ils ont explicitement déclaré que le jour de Cyrus était le jour «le plus vert» de l’histoire. ↩︎
N.d.T. :Le vert seyedi est la couleur symbole de l’Islam. ↩︎
N.d.T trésor, au sens islamique du terme. ↩︎